Les exploitants des carrières d’agrégats continuent de réagir à la nouvelle loi minière 14-05 du 24 février 2014, abrogeant les dispositions de la loi N°01-10 du 3 juillet 2001 qui leur était plutôt favorable. «Nous n’avons aucun gain avec la nouvelle loi. Aucun avenir. Elle est répressive, abusive. Nos carrières sont menacées de fermeture et notre activité de disparition» ont dénoncé les exploitants, lors d’une journée d’études, organisée jeudi 16 juin 2014, à l’hôtel El Aurassi à Alger, à l’initiative de l’Union nationale des exploitants des carrières (UNEC) créée récemment.
Les exploitants en colère se plaignent des charges fiscales: la TAP de 2% qui n’existait pas dans l’ancienne loi, la redevance qui passe de 4% à 6%, le compte séquestre de 0,5% à 2% du chiffre d’affaires…et autres taxes qui pèsent lourd sur les petites carrières, de façon particulière. Car, justement, comme c’est précisé et expliqué par le commissaire aux comptes, expert comptable, M. Maizi Touhami, la danger guette les petites carrières. Celles là qui sont confrontées aux blocages des banques pour leur financement et recourent, par conséquent, et de manière obligatoire, au financement par leasing. Un choix difficile mais nécessaire pour que la carrière continue de fonctionner.
Le commissaire aux comptes insiste sur le fait que l’impact des nouvelles dispositions fiscales sur une entreprise qui recourt au financement en leasing est bien différent de celle qui a accès au crédit bonifié. La raison est toute simple: les taux leasing pratiqués vont de 8% à 14%, alors que les taux bonifiés sont de 0% à 3%. Résultat logique: la capacité financière pour les entreprises financées par leasings est réduite, alors qu’elle est plus importante pour celles qui ont bénéficié de la bonification du taux d’intérêt. «Cette loi est faite exprès pour amener les professionnels à abandonner les carrières et laisser ces dernières entre les mains de ceux qui ont l’argent. Progressivement, les étrangers en prendront possession, avec les coûts que l’on connait et sans aucune valeur ajoutée pour le pays» s’élèvent certains parmi les présents. Et ces derniers d’exprimer leur inquiétude par rapport à l’avenir des ouvrages construits à base des produits de ces carrières: «Une entreprise étrangère va réaliser l’ouvrage mais qui va s’occuper de sa maintenance une fois celle-ci partie?».
Les exploitants des carrières regrettent que l’Etat ait «touché à un secteur aussi stratégique. C’est la colonne vertébrale de l’économie nationale». Aucun exploitant n’a été convié à assister aux discussions précédant l’élaboration de la nouvelle loi. Dimanche 22 juin 2014, lors d’une journée d’études organisée au ministère de l’Industrie, le premier responsable de ce département a insisté sur la nécessité de mettre en œuvre les textes d’application concernant la nouvelle loi. Aucun mot sur les exploitants des carrières et leur angoisse. Alors que ces derniers menacent d’aller vers des actions de protestation pour faire entendre leur voix. «Il faut absolument aller vers une grève. Nous n’avons pas d’autre choix» a recommandé un exploitant, lors de la journée à l’hôtel El Aurassi. Une proposition soutenue par d’autres. Deux autres ayant pourtant investi de grands sommes d’argent dans leur carrière insistent: «Cette loi doit être abrogée. C’est une affaire de principe. Nous devons nous mobiliser pour que les pouvoirs publics se décident à des révisions concrètes. Nous allons nous battre quitte à nous retrouver sans travail. Nous ne sommes pas leurs esclaves». Une grève dans les carrières d’agrégats ne sera pas sans conséquences ô combien négatives, notamment sur l’avancement des projets de logements, des routes, des barrages…et autres.
Vice-président de l’UNEC, Issaad Tewfik, a tenu à rappeler certaines données concernant ce secteur: il existe 2980 carrières à travers le pays dont 85% gérés par des privés. Le reste, ce sont des carrières publiques et sont toutes appuyées par les pouvoirs publics, notamment lorsqu’il s’agit de commercialiser le produit. Les privés comptent sur leurs propres financements. L’offre de l’ensemble de ces carrières dépasse largement la demande. Et c’est cela le paradoxe. «La demande est de 18 millions de tonnes par an pour l’utilisation de tous chantiers confondus. L’offre est de 23 millions de tonnes. Il y a du travail. Nous ne comprenons pas les raisons de tous ces blocages».
Délai insuffisant pour la procédure d’assimilation
Autre problème posé lors de cette rencontre -bien que ce ne soit pas à l’unanimité, du fait que la plupart des exploitants rejettent carrément les nouvelles dispositions de la loi- porte sur la transformation du titre minier en permis d’exploration. Autrement dit, la procédure d’assimilation. C’est une exigence de la nouvelle loi qui fixe la date du 1er janvier 2015 pour son application, alors que jusqu’à présent les textes d’application n’existent pas. «Les délais sont très courts et nous ne savons même pas à qui nous adresser faute de promulgation des textes d’application». Les mêmes personnes considèrent qu’il est impossible d’effectuer la démarche pour 2980 exploitants parce que le nombre des experts devant s’occuper de cela est à peine de 70. Ils demandent alors un report d’au moins 6 mois.
Sonia C.