C’est dans un climat d’enthousiasme et de réflexion que s’est ouverte la première édition du Salon Algeria Rail Expo, un événement désormais incontournable pour les professionnels du transport, les décideurs publics et les experts. Placée sous le thème ambitieux « Le rail algérien de demain : entre maîtrise technique et dynamique territoriale », cette première journée a donné le ton en proposant un programme riche de conférences, mettant en lumière les mutations profondes que connaît actuellement le secteur ferroviaire en Algérie.
Le premier panel de la journée s’est intéressé à l’interaction entre l’industrie ferroviaire et la transition énergétique, en mettant l’accent sur les enjeux liés à l’aménagement du territoire. Parmi les interventions phares, celle du Professeur Arezki Chenane, enseignant-chercheur à l’Université Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou, a capté l’attention. À travers une analyse lucide et documentée, le spécialiste a dressé un état des lieux complet du réseau ferroviaire algérien, tout en soulignant son importance stratégique dans les années à venir.
Aujourd’hui, le réseau ferroviaire algérien s’étend sur environ 4 500 kilomètres, mais seuls 20 % de ces voies sont électrifiés, et une partie de l’infrastructure reste obsolète. Pourtant, dans un contexte de transformation économique et de transition énergétique, le rail s’impose de plus en plus comme une solution durable, économique et structurante, notamment pour désenclaver les régions intérieures, renforcer les échanges interrégionaux et réduire la pression sur le réseau routier. Selon le Professeur Chenane, le développement ferroviaire est au cœur d’un projet plus vaste : repenser l’organisation du territoire national en favorisant l’intégration des zones d’activités avec les réseaux de transport modernes, à l’image de ce que propose le Schéma National d’Aménagement du Territoire (SNAT). Ce document de référence vise à organiser le développement du pays de manière équilibrée, durable et compétitive. Il accorde une place centrale au ferroviaire, considéré comme un vecteur d’efficacité logistique et de cohésion nationale.
L’intervention du chercheur a permis de mettre en avant plusieurs projets en cours ou en développement, traduisant l’ambition de l’Algérie d’ériger un réseau moderne et efficace. Parmi ces projets figurent notamment la ligne ferroviaire Biskra-Touggourt, destinée à ouvrir l’accès aux zones économiques du Sud et à dynamiser les échanges commerciaux entre le nord et le centre saharien et l’extension du métro d’Alger vers les pôles industriels périphériques, une mesure essentielle pour améliorer la mobilité urbaine et interconnecter les différentes zones d’activité ainsi la liaison entre la zone industrielle de Bellara (Jijel) et le port, qui constitue un exemple réussi de synergie entre infrastructures industrielles et logistiques. À travers ces projets, le SNAT vise à renforcer l’attractivité économique des territoires, tout en offrant aux entreprises des conditions optimales pour leur développement.Cette approche repose sur un principe simple mais fondamental : là où le rail passe, le développement suit.
Un autre aspect central de l’intervention d’Arezki Chenane concerne la compétitivité économique et la réduction des coûts logistiques, deux défis majeurs pour l’économie algérienne. En modernisant ses infrastructures, en optimisant la gestion des flux de marchandises et en intégrant le transport ferroviaire aux autres modes de transport (routier, maritime, aérien), l’Algérie peut espérer diviser par deux les coûts logistiques de certaines filières industrielles, notamment celles liées aux matières premières. Le chercheur a également souligné le rôle stratégique du rail dans l’exploitation des ressources minières du pays. Les exemples des gisements de fer de Gara Djebilet (Tindouf) et de phosphate à Tébessa ont été évoqués. Ces zones riches en minerais, encore enclavées, nécessitent des liaisons ferroviaires robustes et adaptées, pour faciliter à la fois l’exportation des matières premières et le développement industriel local.
Selon les prévisions présentées, la mise en œuvre rigoureuse du plan SNAT 2030 permettrait à elle seule de générer jusqu’à 2,5 % de PIB supplémentaire, tout en créant près de 150000 emplois directs à l’horizon 2035. Des chiffres qui donnent la mesure des enjeus.
Pour concrétiser cette ambition, le Professeur Chenane a formulé plusieurs recommandations clés comme l’importance d’Accélérer le recours aux partenariats public-privé (PPP) pour financer et gérer les grandes infrastructures ferroviaires et mettre en place une agence nationale dédiée au fret ferroviaire, capable de piloter une stratégie efficace et intégrée et harmoniser les normes techniques pour faciliter l’interconnexion avec les réseaux régionaux, notamment ceux des pays maghrébins et africains. Ces propositions visent à créer un écosystème favorable à l’émergence d’un réseau ferroviaire moderne, résilient et compétitif. En parallèle à cette réflexion sur les enjeux économiques et territoriaux, la dimension énergétique et environnementale du rail a fait l’objet d’un autre volet de la conférence.
Mourad Preure, consultant international en énergie, a exposé comment le rail peut devenir un vecteur central de la transition énergétique en Algérie. Il a rappelé que le transport ferroviaire est l’un des modes les plus sobres en carbone, et qu’il représente une opportunité réelle pour réduire l’empreinte carbone du secteur des transports, qui reste très dépendant des carburants fossiles.
De son côté, Kamal Dali, directeur des actions sectorielles à l’APRUE, a présenté les initiatives visant à rationaliser la consommation énergétique dans les transports, en particulier à travers le programme de maîtrise de l’énergie.
La deuxième partie a été consacré aux avancées technologiques et à l’innovation dans les projets ferroviaires algériens, à travers un panel technique intitulé « Technologies de signalisation et projets ferroviaires algériens ». Plusieurs intervenants ont partagé des expériences concrètes comme Andreas Behr (ESTEL Rail Automation) a présenté les capacités locales dans la réalisation de projets de signalisation, démontrant que l’Algérie dispose de compétences techniques solides qu’il convient de valoriser et de renforcer.