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M. Abdelmadjid Denouni, président de la Confédération générale du patronat du BTPH (CGP-BTPH), répond à BTP matériels Algérie
Il faut que les pouvoirs publics nous éclaircissent sur les perspectives à venir du BTPH…

Abdelmadjid Denouni, élu récemment président de la Confédération générale du patronat du BTPH (CGP-BTPH) fondé par 70 membres, dont cinq unions patronales du BTPH (bâtiment, travaux publics et hydraulique), répond aux questions de l’heure concernant le secteur et explique les motivations qui poussent à s’organiser actuellement en confédération afin de peser sur les décisions à prendre dans un secteur «où les perspectives à venir ne sont pas claires» et en même temps s’arroge le rôle «de l’œil veillant sur la mauvaise concurrence qui mine le marché dans un secteur important qui emploie 80 000 salariés par 30 000 entreprises».

La CGP du BTPH a l’ambition de représenter tous les métiers du BTPH en amont, à savoir tous les fabricants des matériaux de construction, les exploitants des carrières d’agrégats, les architectes, les ingénieurs, les géomètres, les topographes, etc. et, en aval, les entreprises de réalisations, mais surtout d’être une force de proposition. Face aux multiples problèmes insolubles jusque-là et au programme de développement du secteur qui ne démarre pas et risque dans le contexte actuel de crise de ne pas être exécuté, le nouveau patron des patrons du BTPH monte au créneau et propose d’emblée, pour lever le climat d’incertitude régnant, de créer un ministère de l’Economie qui aura à charge de développer une stratégie économique claire à moyen et long termes qui ne laisse pas l’investisseur ou l’entreprise dans l’expectative. Suivons-le.

 

BTP matériels Algérie : M. Denouni, vous avez été récemment nommé à la tête de la Confédération générale du patronat des CGP-BTPH nouvellement créée ; dans un premier temps, pouvez-vous nous faire un état des lieux sur la situation qui prévaut dans le secteur et qu’est-ce qui vous a amené à vous organiser en confédération, alors que le secteur recèle beaucoup d’associations ?

M. Denouni : Question pertinente. De toute façon, auparavant, nous avions organisé la profession en Union générale des entrepreneurs algériens. Cette union, qui a vu le jour en 1989, est considérée comme étant la première organisation patronale en Algérie. C’est à partir de l’éclatement de l’UGEA dans les années 1990-1991 qu’ont vu le jour la CAB, l’AGEA et tant d’autres associations. Nous avons jugé utile de créer une CGP du BTPH en raison du nombre important d’organisations, environ une cinquantaine, que les pouvoirs publics ne peuvent recevoir aux tripartites durant lesquelles généralement sont posés les problèmes sectoriels. Donc, de ce fait, seule une confédération pourra regrouper tous les métiers en amont et en aval, ainsi que toute l’industrie du secteur des fournisseurs du marché, des entrepreneurs et tous les corps des métiers du BTPH, à savoir les ingénieurs, les topographes, les architectes, etc.

 

Est-ce qu’elles sont nombreuses à se fondre dans la CGP ?

Actuellement, il y a cinq unions qui ont déjà émis le vœu d’adhérer à la Confédération. Il y a tout d’abord L’UGEA, qui est la colonne vertébrale de la CGP et qui regroupe plus de 9 000 adhérents, l’Union des promoteurs immobiliers qui regroupe beaucoup d’entrepreneurs au niveau de l’Est et de l’Ouest, l’Union des ingénieurs, deux ou trois fédérations d’architectes, des associations de fabricants de matériaux de construction et tant d’autres adhérents et ce, afin d’exposer leurs problèmes et de connaître les perspectives du secteur du BTPH en Algérie.

Combien d’adhérents fédérez-vous jusque-là ?

D’abord, il y a lieu de signaler qu’il y a eu 70 membres fondateurs issus de toutes ces unions. Nous avons tenu la première assemblée générale constitutive le 3 juillet à l’hôtel Hilton en présence d’un huissier de justice, et nous avons déjà déposé le dossier pour l’agrément au niveau des ministères de l’Intérieur et du Travail pour être soumis à la loi régissant les associations. Une fois agréée, nous allons tenir de nouveau une autre assemblée générale pour donner

vie à cette Confédération. J’espère qu’elle sera en mesure de défendre dignement la profession.

Nous avons fixé un premier objectif principal de cette organisation, à savoir être l’interlocuteur des pouvoirs publics pour exposer les problèmes du secteur du BTPH afin de trouver des solutions adéquates à toutes les professions.

Justement, comment comptez-vous peser et vous faire entendre ?

Quand vous faites des propositions concrètes aux pouvoirs publics et que vous vous organisez conformément au cadre règlementaire régissant les confédérations, ils vous écoutent. Si vous ne tournez pas en rond et vous ne vous enfermez pas dans des généralités, donc vous vous positionnez en bon interlocuteur, et là automatiquement on vous écoute.

Donc, la Confédération ne va pas uniquement se contenter d’un rôle syndical des patrons du BTPH ?

C’est un rôle syndical et puis c’est un rôle d’unification de la profession, d’organisation de celle-ci pour réguler le marché des matériaux de construction, pour voir la demande dans le secteur du BTPH en matière d’agrégats, de brique, de ciment. Aussi, l’objectif de cette Confédération est de vulgariser la profession, de faire de la formation aux opérateurs du secteur et d’encourager à faire de la mise à niveau des entrepreneurs. Si vous voulez, nous sommes aussi les yeux des pouvoirs publics sur le terrain. Par exemple, en termes de dépassement des codes des marchés publics, certaines failles existent comme la concurrence déloyale, la présence d’entreprises étrangères en Algérie… Comment règlementer tout cela par rapport au patriotisme économique qui prévaut actuellement dans tous les pays. Repositionner l’entreprise algérienne dans le développement du pays, voilà grosso modo les thèmes fédérateurs.

Justement, vous avez évoqué que la mise à niveau a été faite dans le but aussi de préparer l’entreprise privée à établir des partenariats avec le public et autres entreprises étrangères ; avez-vous déjà établi un état des lieux ?

Il y a trois ou quatre ans, les entreprises du BTPH étaient exclues du programme Meda pour des raisons bien précises que tout le monde connaît, mais en 2007, on a signé une convention dans le cadre du développement de la PME-PMI pour la mise à niveau des entreprises du BTPH et beaucoup d’entreprises se sont inscrites à ce programme. Depuis, tout le monde a compris que pour réaliser de grands projets, comme construire les aéroports, chemins de fer etc., il faut passer à la certification iso. Et depuis deux ans, beaucoup d’entreprises du BTPH ont eu la certification iso grâce à la mise niveau.

Peut-on avoir quelques chiffres à ce sujet ?

On ne peut pas vous donner un chiffre exact, mais on sait que de 2008 à 2011, une centaine d’entreprises privées ont effectué correctement leur mise à niveau et se sont bien organisées et ont fait appel à de la main-d’œuvre qualifiée nationale et étrangère. Ces entreprises ont la capacité de réaliser de grands projets et peuvent rivaliser avec les entreprises étrangères. Même si beaucoup de gens nous disent que l’entreprise algérienne n’est pas capable de réaliser grand, nous répondons à ce propos que c’est un discours qui était valable dans les années

2000, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui, car les entreprises ont beaucoup investi et acquis de l’expertise.

Elles ont recruté beaucoup d’ingénieurs et se sont rapprochées de l’université et des centres de formation professionnelle où elles ont signé des conventions pour avoir de la main-d’œuvre qualifiée dont elles ont besoin. Elles ont même contracté des partenariats, donc elles réalisent déjà énormément de grands projets. J’espère que cette situation va se développer davantage dans l’avenir et que les pouvoirs publics vont beaucoup compter sur les entreprises privées et publiques nationales plutôt qu’étrangères.

Maintenant, comme vous le savez, la situation financière des entreprises publiques est assainie. Avec certaines entreprises privées nationales, elles peuvent constituer des capitaines au niveau du secteur du BTPH et essayer de propulser certaines entreprises de taille PME à travers des partenariats. Elles ont une manne financière très importante qui leur permettrait de réaliser de grands projets, et nous actuellement à la CGP, on ne cesse de répéter qu’il faut faire confiance aux entreprises nationales.

Comment comptez-vous procéder pour l’aboutissement de cela ?

C’est une perspective pour les entreprises avec toute la concurrence qui fait rage dans le secteur du BTPH. Depuis une année, nous avons constaté le lancement de beaucoup d’appels d’offres internationaux au détriment des appels nationaux. Même s’il y a préférence au national de 25%plus cher, mais nous avons noté que beaucoup de projets sont attribués dans le cadre des codes marchés à des entreprises étrangères, comme le chemin de fer par exemple.

Les entreprises réalisatrices font appel à la sous-traitance algérienne, aux entreprises algériennes ou recrutent au niveau de l’ANEM des ingénieurs à 10 000 DA/mois. Au final, le projet est réalisé par des Algériens à moindre coût. Cela nous fait mal au cœur. Il serait préférable de confier le projet aux entreprises nationales et essayer de les contrôler avec un bureau d’études sérieux, ce qui leur permettra une expertise, se former et regarder l’avenir sous de meilleurs auspices.

Quel bilan faites-vous du secteur et de ses perspectives à court terme ?

Le bilan existe, le programme présidentiel 2010-2014 n’a démarré que fin 2011-début 2012. Dans un contexte de crise financière internationale qui frappe à notre porte, si on tient compte des dernières déclarations du ministère des Finances et puis de celles du directeur de la Banque d’Algérie, en plus du prix du pétrole qui est actuellement à 85 dollars le baril, annonçant que les prévisions des plans de développement sont établis sur la base de 110 dollars, cela nous inquiète. D’autant plus, qu’on commence à voir les effets de tout cela à travers les avis d’annulation de nombreux appels d’offres d’équipements et de travaux qui paraissent dans la presse. Est-ce par manque de moyens de financement ou est-ce par crainte que la cagnotte qui est réservée ne suffise pas aux projets structurants ; la question demeure posée. On souhaite avoir des éclaircissements à ce sujet des pouvoirs publics. Cela nous permettra d’avoir un œil sur l’avenir et voir les possibilités d’investir dans le secteur comme l’industrie du bâtiment, les briqueteries, ouvrir de nouvelles carrières d’agrégats… Si le secteur est au ralentit, beaucoup de projets vont devoir se mettre en veille. Donc, mieux vaut se diversifier à d’autres secteurs. Il n’y a aucun mal à nous communiquer clairement la situation du secteur pour l’avenir, voire pour les trois prochaines années, ce qui permettra à l’investisseur de se recentrer sur les secteurs porteurs. Au lieu de nous retrouver dans la même situation vécue durant les années 2000 où nous avions besoin d’investir à hauteur de 400 millions de dollars dans les minoteries, on s’est retrouvé à réaliser le double et le résultat est connu : quand il y a désorganisation, la majorité baisse rideau. Donc, il faut dire aux opérateurs quels sont les projets maintenus et que compte faire l’Etat face à cette situation financière.

Le BTPH fera-t-il les frais de cette crise ?

Je me pose la question comment est-ce que les gens pensent que l’Algérie n’est pas touchée par la crise alors que nous sommes touchés de plein fouet. Ces effets vont se voir durant le mois de Ramadhan. Nous sommes importateurs de denrées alimentaires. L’économie algérienne a un lien direct avec l’économie internationale. Pour revenir au secteur, ce sont 30 000 entreprises du BTPH qui emploient 80 000 salariés ; c’est le principal secteur employeur.

Mis à part les 15% des projets qui sont réalisés par les entreprises étrangères, le reste a été effectué par des entreprises algériennes. A voir le plan développement des projets qui se chiffre à 280 milliards de dollars, sur l’ancien quinquennal, il y a eu plus de 100 milliards de dollars qui ont été réalisés par les entreprises privées nationales. On a une idée sur les fiscalités et charges parafiscales de ses entreprises qui ont renfloué les caisses de l’Etat. Il n’y a pas de fuite, il y a une traçabilité qui existe.

Les matériaux de construction ?

Comme les minoteries, on voit beaucoup de briqueteries qui s’implantent un peu partout. Ce qui en soi a réglé quelque peu le problème de la brique ; donc reste celui du ciment. Pour cela, seule la libéralisation des prix pourra résoudre le problème même s’il y a opposition à cette solution en arguant le fait que cela va générer une hausse du prix du logement, etc. A cela, nous dirons que si on écoule le sac du ciment au même prix que celui du marché international, soit à 400DAau lieu des 300DA actuellement, on aura l’avantage d’éliminer la spéculation, les cimenteries pourront financer leur investissement en usant de cash flot qu’elles vont générer par les liquidités. Elles ne pourront plus compter sur le soutien financier de l’Etat et permettront également aux opérateurs privés nationaux d’importer leur ciment, ce qui permettra de réguler le marché et de combler le déficit de 3 millions de tonnes par rapport à la demande. Il n’y aura plus de pénurie ni de situation de monopole, les prix seront contrôlés et de meilleurs délais de livraison assurés. C’est un problème économique et il faut le régler par des mécanismes économiques. Le contrôle ne fait qu’augmenter la spéculation, les retards dans les réalisations, chômage forcé du personnel.

Un mot sur l’équipement ; est-ce que leurs fournisseurs adhèrent à la CGT du BTPH ?

Les perspectives du BTPH ne sont pas claires pour l’avenir, donc une entreprise qui est censée s’équiper ne le fera pas si l’Etat n’annonce pas encore quels sont les projets à éliminer et ceux à maintenir. Est-ce que le budget de l’Etat ne peut plus suffire à tous les projets 2010-2014 ? Actuellement, il n’y a pas de politique économique claire qui puisse permettre aux opérateurs économiques algériens de voir clair. Il faudrait, à mon avis, qu’il nous dise de quoi sera fait l’avenir économique.

Justement, que proposez-vous ?

Pourquoi l’Algérie est le seul pays à être géré par une Lfc ? Car on n’a pas un grand ministère de l’Economie. Le  ministère des Finances fait tant bien que mal son travail, et de plus, chaque ministère travaille sans coordination avec les autres. Donc, l’information circule mal, mais si nous avions un ministère de l’Economie, toute la politique va être tracée par celui-ci, et on n’aura plus à ce moment recours à une Lfc qui, d’ailleurs, ne fait que fuir aussi bien l’investisseur algérien qu’étranger. Il n’y a pas de stabilité niveau loi.

En créant un ministère de l’Economie, cela nous permettra également d’éviter la débandade de la règlementation économique. On ne gère pas un pays de cette façon-là. Il faudra éclairer à l’avance les investisseurs. Il faut un vrai débat sur l’organisation de l’économie, écouter les opérateurs économiques qui ont beaucoup de propositions concrètes à faire. On a constaté que dès qu’il y a un choc pétrolier, les craintes de ne pas pouvoir financer les programmes de développement font leur apparition. Il faut des assises nationales de l’économie où tous les acteurs du marché seront présents (organisations, entreprises, CNES…) aux côtés des pouvoirs publics. L’économie ne peut avancer que par le dialogue. Il faut tracer une vraie politique économique à moyen et long termes.

Qu’en est-il alors du programme quinquennal 2010-2014 ?

Tout le monde croyait que le programme a été établi sur la base du prix du baril de pétrole à 37 dollars, et on apprend, selon les déclarations faites récemment, que celui-ci a été établi sur la base d’un baril à 110 dollars. Alors, on risque de ne pas pouvoir financer tous les projets. A 60 ou 70 dollars, le programme risque totalement d’être annulé.

Ce qui nous pose plus problème, c’est qu’il n’y a pas de stratégie économique claire, et quand on n’a pas de vision claire, on n’y peut rien faire. Si on investit au pif et on contracte des crédits, on s’équipe et puis il n’y a rien. On connaît la suite. Encore une foi, il faut un dialogue serein, il faut qu’ils nous écoutent pour mettre une véritable politique économique et mettre en place ensuite de véritables entreprises du BTPH championnes dans le secteur.

Est-ce qu’on peut dire que c’est le pessimisme qui règne dans le secteur ?

Non, il n’y a pas de pessimisme. Tant qu’il y a des forces vives, les choses ne peuvent qu’aller dans le bon côté. A mon avis, il faut tirer la sonnette d’alarme quand cela ne va pas, c’est-à dire il faut attirer l’attention des pouvoirs publics quand les choses vont mal. C’est aussi le rôle de notre Confédération qui est une force de propositions.

Qu’en est-il des groupements des entreprises du BTPH qui ont été créés il y a de cela un an ?

En effet, nous avons créé des groupements d’entreprises des travaux publics de catégorie 7, 8 et 9 pour la réalisation de l’autoroute des Hauts-Plateaux. Une dizaine d’entreprises qui se sont constituées en groupement avec acte notarié. Il y a le groupement d’entreprises de travaux publics de l’Ouest GETO. Idem à l’Est, des groupements se sont aussi constitués entre privé et public et un autre au niveau du Centre. Cela répond à un recours aux moyens nationaux. Donc, avec les moyens locaux qui ont acquis un savoir-faire en matière de travaux publics, facilement on peut réaliser avec économie. Le ministère des TP a été destinataire des P-V de création ; nous attendons le lancement de cette autorité. Mais pour le moment, il n’en est rien.

D’après vous, avoir recours aux entreprises locales est une alternative pour continuer à réaliser dans le contexte de crise évoqué ?

Bien sûr, le dinar restera en Algérie. Si on prend l’exemple de l’autoroute Est-Ouest qui a coûté 14 milliards de dollars en 2009-2010, il y a près de 12 milliards de dollars de budget attribués aux entreprises étrangères rien que pour les études, les transferts, etc. Il faut dans les conditions actuelles user du patriotisme économique, comme cela se pratique dans le monde, et, de ce fait, utiliser les moyens nationaux. Cela va permettre de sauver des entreprises, créer de l’emploi et alléger le poids du chômage.

Karima Alilatene.

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