Dans cette interview accordée à notre revue, le directeur du leasing de Housing Bank, M. Nabil Zikara, explique les raisons de l’intérêt que sa banque porte pour le secteur du BTP. Il expose aussi la nature des contrats proposés par Housing Bank et aborde en toute franchise et de façon très claire le sujet des marges pratiquées sur le marché algérien du leasing.
BTP Algérie : Pouvez-vous en quelques mots nous donner un bref historique du leasing à Housing Bank Algeria ?
Nabil Zikara : L’histoire est très récente, puisque d’une façon générale, l’apparition de l’activité leasing dans le paysage bancaire algérien remonte seulement à une dizaine d’années. Pour ce qui concerne Housing Bank Algeria, les premières études de marché ont été faites en 2007 et une proposition de création de l’activité a été présentée au Conseil d’administration de la Banque la même année. C’est avec l’arrivée de M. Hocine Hannouchi à la tête de l’institution en 2010 que ce projet a été concrétisé. La décision de lancer l’activité a été prise en juin 2010 suivie par la mise en place de la Direction du leasing en mars 2011. La première opération a été effectuée en septembre 2011.
A quel niveau d’activité vous si- tuez-vous aujourd’hui ?
Nous avons actuellement dans notre portefeuille une cinquantaine de contrats qui représentent globalement un chiffre d’affaires proche de 500 mil- lions de dinars. Nos clients sont surtout des entreprises du BTP. Ils sont présents également dans les industries manufacturières, comme le cuir ou encore la transformation du papier. Nous finançons également le matériel roulant ainsi que le matériel médical.
Pourquoi cette priorité accordée au BTP ?
Vous savez, l’Algérie est aujourd’hui un vaste chantier, et c’est la demande qui vient vers vous. Nous constatons que les programmes d’investissements publics lancés par l’Etat suscitent une forte demande de modernisation de la part des entreprises du BTP. Pour ne citer que cet exemple, le projet qui vient d’être annoncé, à savoir la future autoroute des Hauts-Plateaux, pousse les entreprises à renouveler leurs équipements dans le but d’être prêtes le jour J. Cela d’autant plus que les nouvelles orientations données par les pouvoirs publics visent, désormais, à impliquer au maximum les opérateurs nationaux. J’ajoute que nous sommes nous-mêmes très motivés par le souci de participer aux investissements des entreprises qui créent de la valeur ajoutée ainsi que des postes de travail et qui contribuent à l’équipement du pays ou à la réduction des importations.
Quels types de contrats proposez- vous à votre clientèle ?
Il s’agit de contrats relativement standards du point de vue de leurs conditions générales qui sont d’ailleurs communes à l’ensemble de la profession. En revanche, leur durée est variable et peut s’étaler de 2 à 5 ans en fonction du type de matériel financé. C’est ainsi que pour le matériel informatique, pour des raisons d’obsolescence technologique, les durées sont plus proches de 2 ans, tandis que pour les équipements destinés au BTP, elles sont en général proches de 5 ans. Tout est, cependant, négociable avec le client sur la base d’un dossier standard qui est très simplifié par rapport à ce qui est de- mandé, par exemple, pour un financement classique d’investisse- ment. Les loyers peu- vent être mensuels ou trimestriels et sont cal- culés en fonction de la capacité de remboursement du client.
Les coûts de financement du leasing proposés par les banques ont la réputation d’être moins élevés que ceux appliqués par les établissements spécialisés ; peut-on savoir la raison ?
C’est une réalité du marché. Il s’agit d’un écart qui peut atteindre jusqu’à 5 points de marge. Il est imputable au coût des ressources financières qui sont différents pour les banques commerciales et pour les établissements financiers spécialisés. Les banques commerciales comme la nôtre ont accès à des ressources financières peu onéreuses grâce à la collecte de l’épargne des particuliers organisée à travers leur réseau. Ce n’est pas le cas des établissements financiers spécialisés qui ne sont pas autorisés à collecter l’épargne des particuliers et doivent avant tout compter sur leur capital social. Ce dernier est fixé à un minimum de 3,5 milliards de dinars par la loi et se révèle souvent insuffisant face à une demande de financement qui augmente rapidement. Dans ce cas, les établissements financiers spécialisés doivent eux-mêmes se retourner soit vers le marché financier pour des emprunts obligataires soit vers des crédits bancaires. Dans les deux cas, c’est une démarche qui a un coût et qui explique la différence entre les marges pratiquées en matière de leasing par les banques, d’une part, et les établissements spécialisés, d’autre part.
Quelles sont les marges pratiquées par Housing Bank Algeria ?
Je voudrais attirer votre attention sur le fait que la majorité des opérateurs financiers du domaine du leasing sont très réticents à afficher leurs taux de marge. Or, ce n’est pas la poli- tique suivie par Housing Bank Algeria. Nous considérons en particulier qu’avec l’application des nouvelles normes comptables IFRS, le client est considéré implicitement comme le propriétaire de l’équipement qui fait l’objet du contrat de leasing. C’est pour cette raison que le taux de marge doit être affiché clairement. Il fait d’ailleurs le plus souvent l’objet d’une négociation avec le client et varie en fonction du risque associé au contrat. En général, il se situe aux alentours de 12%, ce qui reste très modéré par rap- port aux pratiques du marché dans le- quel il n’est pas rare de trouver des marges de l’ordre de 20%.
Comment expliquez-vous le niveau de ces marges et leur écart par rapport au coût d’un crédit à moyen ou long terme classique ?
Même si la tendance des taux observés sur le marché algérien ces dernières années est orientée vers la baisse, on ne pourra évidemment jamais avoir des taux de marge pour le leasing comparables aux taux d’intérêt pratiqués sur les crédits d’investissement classiques des banques commerciales. Il s’agit, en effet, de deux activités très différentes. Le leasing comporte des engagements et des charges beaucoup plus importants. Il implique au crédit bailleur de mettre à la disposition de son client un équipement fonctionnel après que toutes les démarches commerciales et administratives d’achat, de dédouane- ment, de transport, etc. ont été prises en charge par l’établissement financier. Il faut ensuite ajouter le coût de gestion et de suivi du contrat pendant sa durée de vie. C’est ce qui explique le montant des marges pratiquées dans le cas de notre banque qui sont extrêmement concurrentielles. J’ajoute pour conclure que dans le cadre de notre politique de réduction des marges, nous sommes, avec l’ensemble de la profession, engagés dans une démarche qui, au sein de l’ABEF, vise à réduire les contraintes administratives très nombreuses que nous rencontrons, par exemple en matière de dédouanement ou d’immatriculation et de mise en circulation des engins, et dont la simplification aura forcément un effet sur la diminution de nos charges et, donc, sur le calcul de nos marges.
Hassan Haddouche