BTP matériels Algérie : Qu’est-ceque la mise à niveau et dans quel contexte a-t-elle commencé à être appliqué en Algérie ?
M. Rachid Moussaoui : Comme son nom l’indique, la mise à niveau signifie mettre à niveau les entreprises, toutes les entreprises, algériennes pour ce qui nous concerne, d’abord aux standards qui existent mais aussi aux standards internationaux parce que, aujourd’hui, il y a une mondialisation et il y a une globalisation. Bien sûr, cet état de fait est nouveau dans notre pays. C’est cela qui fait qu’il y a eu des améliorations apportées par rapport au premier programme, PME 1 ou appelé communément MEDA 1, qui a quand même mis à niveau plus de 400 entreprises. C’est déjà un premier background important. Bien sûr, là, il ne s’agit pas de voir la quantité mais plutôt la qualité. Donc, nous avons constaté que beaucoup d’entreprises — après cette mise à niveau – – ont changé de réflexes aux niveaux organisationnel et stratégique, et nous avons senti une nette amélioration de leur productivité puisqu’il s’agit justement d’améliorer la compétitivité à travers la productivité.
On parle de mise à niveau d’entreprises qu’elles soient publiques ou privées, n’est-ce pas ?
Oui. En effet, on ne fait aucune distinction. Il y a aujourd’hui une vision large qui prend en compte les doléances des uns et des autres. Il faut savoir qu’aujourd’hui nous avons un peu plus de 600 000 Pme privées. Nous avons pratiquement 8 000 à 9 000 entreprises publiques qui demandent aussi à être mises à niveau si elles répondent à la loi d’orientation des Pme qui fixe le nombre des salariés de 1 à 250. Dépassant ce seuil, ce n’est plus une Pme mais une grande entreprise pour laquelle normalement il y a d’autres dispositifs. Avant, on parlait de restructuration, surtout financière, car, si vous vous rappelez, on avait d’anciens plans de redressement, appelés «plans de redressement des entreprises», qui étaient formulés par les anciens CNPE (Conseil national de participation de l’Etat). Aujourd’hui effectivement, tout ce package est pris en considération dans ce grand programme ambitieux du gouvernement, qui s’est amélioré par rapport aux anciens programmes, car beaucoup de doléances des entreprises ont été écoutées, notamment celles qui se rapportent aux interventions matérielles. On parlait avant uniquement d’investissement immatériel. Donc, c’est tout ce qui est formation, certification, tout ce qui se rapporte à la qualité c’est l’immatériel, mais, les entreprises ont répondu qu’il fallait aussi une aide financière par rapport à l’investissement matériel dans une entreprise. Bien sûr, ce n’est pas une donation ou un crédit, c’est, surtout, une expertise financée par le programme sur un budget très important de 386 milliards de dinars. Il faut savoir que dans aucun pays au monde il n’a été investi d’enveloppe financière aussi importante pour un programme de mise à niveau des entreprises.
C’est le budget de toute la mise à niveau na)onale ou de l’ANDPME ?
C’est tout le programme, toute la mise à niveau, donc, la dotation budgétaire allouée par l’Etat, et nous pouvons cadrer des interventions par entreprises de l’ordre de 20 millions de dinars.
Quelle est la part de l’ANDPME dans ce budget ?
En fait, nous n’avons pas de part ; nous sommes l’instrument de l’Etat pour cette mise en oeuvre. Nous sommes l’institution qui, à travers l’expertise, doit faire un travail d’accompagnement aux entreprises pour qu’elles soient plus compétitives sur les marchés locaux mais aussi sur les marchés extérieurs.
Donc, il n’y a pas de limite budgétaire autre que celle du programme !
Non, l’Agence est l’instrument de l’Etat ; l’ordonnateur de ce fonds est le ministère de la Promotion de l’investissement, de la Pme et de l’Industrie. Donc, l’ordonnateur de ce fonds national de mise à niveau est M. le ministre de l’Industrie qui met à disposition cette grosse enveloppe au service de cette expertise et de l’amélioration continue de l’entreprise à travers toutes ses fonctions.
Quel est le bilan actuel des ac)ons de mise à niveau et la place du Btph ?
Le Btph pour nous est un secteur prioritaire, d’abord, au niveau gouvernementale parce que vous savez dans l’ancien quinquennal — c’est-à-dire 2005/2009 — nous avions un programme ambitieux de 1 million de logements qui a été réalisé. Nous avons un programme qui arrive dans le futur quinquennal 2010/2014 de 1 million de logements. Ce sont des ambitions énormes et nous avons aussi, il ne faut pas l’oublier, le côté création. Puisque les programmes sont très importants, beaucoup de Pme se créent par rapport à ces domaines d’activité. C’est une bonne chose, car il y a déjà une diversification, mais effectivement, ce secteur demandait à être mis à niveau, d’abord, concernant le management, car, aujourd’hui, il y a des thématiques sur le management du Btp en particulier ; il y a des thématiques de formation, notamment, ainsi que ce qu’on appelle les POC : les plans d’organisation de chantier. C’est une thématique de formation qui doit être faite ; nous l’avons fait en 2010. Nous avons formé plusieurs entreprises de Btp dans son management et le plan d’organisation de chantier. Nous avons même invité les architectes, les acteurs du monde technique — qui a aussi ses ressources en termes de formation — et c’est là où on doit évoluer dans le domaine de la formation qui est très important. Nous avons, entre autres, d’autres domaines d’intervention dans ce Btp, puisque, vous savez, quand on voit nos chantiers, on constate qu’ils ne sont pas organisés. Les voieries et réseaux divers passent après la construction du bâtiment, alors que ce sont les premiers travaux qui devraient être lancés. Donc, je pense qu’il y a une mise à niveau à faire dans ce domaine. Par rapport au nouveau programme, il importe que nous le voyions à travers l’adhésion des entreprises. Par exemple, sur les 620 inscrites – ce ne sont pas des intentions mais des entreprises qui ont déposé des dossiers sérieux – le Btph se taille la part du lion : 271 entreprises ont émis le voeu d’adhérer à ce programme. Cela dénote d’un éveil et d’une conscience chez les patrons d’entreprise. Le nouveau programme a, donc, beaucoup été amélioré par les thématiques qui sont proposées aux entreprises. Comme je l’ai expliqué, il y a une dichotomie certaine entre les investissements matériels et immatériels que sont la formation, la qualité, la certification… et tout l’accompagnement immatériel, mais nous avons aussi l’investissement matériel qui, aujourd’hui, pose des problèmes à l’entrepreneur. Ce qu’il y a aussi de nouveau, est que nous avons privilégié l’expertise nationale.
Pourriez-vous nous dresser le profil de l’entreprise Btph algérienne ? Quelles sont ses forces et faiblesses, le profil du chef d’entreprise ?
Oui, bien sûr, il y a une population très active dans le domaine. Le ministère de l’Habitat le fait mais il faut plus d’efforts pour former les gens. Vous savez, l’aide à la décision c’est aussi former le cadre dirigeant pour prendre les décisions qu’il faut…
Bien sûr, on parle d’entreprises qui ont un effec)f de 1 à 250 employés et non pas des grandes entreprises…
Pas du tout, ce sont les petites et moyennes entreprises ; ce sont celles-là qui sont éligibles de par leur taille. Nous pensons qu’il faut qu’elles passent par des prédiagnostics, des diagnostics, donc un accompagnement, des préconisations dans les plans de mise à niveau, pour identifier les actions d’accompagnement à entreprendre, et les entreprises devront s’y conformer pour pouvoir être vraiment compétitives et avoir la part de marchés qui leur convient.
Qu’elles en sont les faiblesses ?
Leurs faiblesses sont, d’abord, la thématique du management du Btp, pour que tout le monde soit formé, le dirigeant, les équipes techniques et les ouvriers spécialisés qui sont, aujourd’hui, peu nombreux. Il y a déficience bien que le secteur de la formation professionnelle déverse des promotions d’ouvriers. Cela ne suffit plus ; nous avons aujourd’hui — comme je vous l’ai dit — un programme d’un million de logements. Il faut vraiment beaucoup de main-d’oeuvre mais il faut aussi intéresser les jeunes qui sont sans travail, à ces métiers devenus très rémunérants. Nous pensons que, justement, le fait de former d’abord le dirigeant, celui-ci pourra mener une politique de recrutement en fonction de ces qualifications. Donc, aujourd’hui, la qualification de l’entreprise s’impose. Il est vrai qu’elle est faite d’une manière administrative avec des attestations de qualification, des barèmes, des grades, des notations une, deux, trois… suivant les spécialisations, mais il faut aussi qu’il y ait qualification interne à l’entreprise, c’est-àdire qu’il faut que toute l’entreprise soit qualifiée à faire ce métier qui est non seulement très important mais aussi très technique, car, il y a des règles à suivre et, surtout, une verticalité à respecter.
Est-ce-que les entreprises du Btp sont ouvertes à la mise à niveau ?
Oui, les chiffres nous le démontrent…
Mais est-ce parce que vous les avez convaincues ou, alors, elles ont un intérêt pour le programme ?
Moi, je pense que ce sont les deux, car, pour notre part, po+ur avoir ces 620 entreprises nous avons beaucoup communiqué, et nous n’avons vraiment pas failli dans cette mission. Nous avons sillonné l’ensemble du territoire national et touché près de 5 000 opérateurs dont 50 % du secteur du Btp. Donc, effectivement, nous avons pu convaincre ces entreprises d’adhérer à ce programme qui est très important pour elles.
Quelles sont les études de filières réalisées et prévues dans le secteur du Btph ?
Bien sûr. Je parlais de secteur mais aussi de sous-secteur. Nous avons fait un travail, en 2007, sur des sous-secteurs de matériaux de construction, des produits rouges. Nous avons une étude qui existe et qui est inscrite dans notre portail communautaire ; nous avons une autre sur la céramique. Il faut, bien sûr, les actualiser, et avec ce programme, nous avons la possibilité même de mettre en place des études de branches d’activité et même de positionnement stratégique. C’est très important pour la branche d’activité qu’est le Btph de positionner stratégiquement les branches et les sous-branches, les secteurs et les sous-secteurs. Aussi, les produits qui entrent dans la fabrication de tout élément entrant dans la construction sont importants. Aujourd’hui, la tendance est de penser à bannir les importations qui nous ramènent des produits pas toujours aux normes. A titre d’exemple, tout ce qui est constitué d’accessoires, tels que les interrupteurs, les loquets de portes, les charnières… on devrait avoir des PME qui fabriqueraient ces produits mais en termes de qualité qui est, aujourd’hui un impératif. Il devient essentiel de pallier à l’esprit d’importation massive et réduire cette facture d’importation en créant des entreprises. Le gouvernement ambitionne de créer 200 000 PME à l’horizon 2014 et le Btp est une source de création de Pme car, si on décortique un logement, on va constater qu’il y a énormément de choses à produire dans notre pays.
Avec ce que l’on connaît de ces soussecteurs, peut-on savoir s’ils sont ou)llés pour prendre en charge le programme quinquennal ?
Tout à fait. Les besoins qui sont exprimés, par exemple, en sable, ce sont vraiment des besoins qui sont utiles à ces ambitions, donc, à ces défis majeurs. Pour construire 1 million de logements, il faut une batterie de ressources ma)ères pour réaliser ces logements.
Pourriez-vous nous éclairer sur la coopéra )on ANDPME/secteur associa)f professionnel, notamment sur celui du Btp ?
Nous comptons énormément sur l’adhésion aux associations professionnelles. Nous en avons beaucoup, tels que l’UGEA, l’AGEA et plusieurs associations qui, déjà, travaillent avec nous. Nous avons même signé des protocoles d’accords avec 23 associations professionnelles, dont, bien sûr, le Btp et autres, mais surtout pour avoir ce deal, qui est de renforcer les capacités managériales de ces associations. Il faudrait aussi qu’elles puissent nous aider à faire adhérer le maximum d’entreprises. Donc, c’est un deal qui est très équitable, et vous avez raison de souligner le rapprochement de l’Agence avec les associations professionnelles qui est vraiment conforme à notre vision des choses.
Dans quelle mesure est-il possible d’améliorer la compé))vité à travers les associa)ons professionnelles ?
Elles ont un grand travail à faire parce que, d’abord, l’Etat a fait d’énormes efforts, comme vous le voyez, et financer 1 million de logements ce n’est pas rien. Mais, tous les espaces intermédiaires, aujourd’hui, sont importants dans la mesure où ils apportent un éclairage même aux dirigeants. On a besoin de cet aller-retour pour consolider ce qu’on a fait et pour faire évoluer les choses. On parlait tout à l’heure de formation ; aujourd’hui, beaucoup de thématiques existent dans les Btp et les associations peuvent jouer ce rôle à leur niveau, envers leurs adhérents. Elles peuvent aussi prendre des thématiques, comme par exemple le management du Btp et les plans d’organisation de chantiers. Cela créera une complémentarité par rapport à l’action publique qui est, aujourd’hui, faite soit par les ministères, soit par les agences nationales comme nous.
Vous vous êtes orienté vers une approche plus flexible sur l’éligibilité des entreprises, ce qui est risqué, du moins pour les 80 % des fonds engagés. Est-ce pour cause de ré)cences des entreprises à adhérer à votre programme pour des raisons culturelles ou financières ? Ou, alors, est-ce pour accélérer la cadence ?
Pour la flexibilité, tout d’abord, il faut dire les choses comme elles sont : il y a eu quand même des phases dans l’environnement entrepreneuriale où l’on a remarqué une certaine bureaucratie. Nous avons eu des instructions gouvernementales qui nous ont signifié qu’il fallait absolument réduire et bannir cette bureaucratie. Nous avons, bien sûr, pris cette instruction à la lettre puisque même dans la constitution du dossier, on voit bien que par rapport aux autres programmes nous avons sensiblement réduit le volume de documents à présenter. C’est par souci, d’abord, de facilitation, c’est aussi par souci de débureaucratisation, et c’est, enfin, par souci de dire aux gens que le dossier est une base de travail, mais ce n’est pas une finalité. Donc, ce sont pour nous des documents nécessaires, comme pour les bilans afin de vérifier que l’entreprise a vraiment les capacités d’être bancable… Mais, en fait, aujourd’hui, nous sommes beaucoup plus souples puisque nous donnons de l’importance même à l’entreprise qui a une situation financière difficile. Même par rapport à la Casnos ou la Cnas, nous n’avons pas demandé des mises à jour, mais plutôt une situation. Cela veut dire que si l’entreprise peut demander un échéancier de paiement, nous l’acceptons. C’est vraiment une preuve que notre département ministériel et nous-mêmes en tant qu’agence, avons pris en charge ces effets bureaucratiques qui mènent à la réticence des entreprises. Aujourd’hui, du fait de cet allégement, les gens sont amenés à déposer leur dossier, et les 620 dossiers dont on vous a parlé ont été reçus entre janvier et mai (2011, Ndlr.) en quatre mois : 620 dossiers, je pense que c’est un facteur clé de réussite pour le programme.
Le recours exclusif à l’exper)se locale ne prive-t-il pas les entreprises algériennes de l’exper)se étrangère spécifique comme le Bunchmarking ?
Le Bunchmarking est important pour toute action qu’elle soit publique ou privée. Nous avons, bien sûr, tiré des leçons du Bunchmarking ; nous avons beaucoup d’exemples autour de nous, en Europe, etc., qui ont fait déjà ces mises à niveau, et je pense qu’aujourd’hui, nous avons évité les erreurs du passé dans ce programme qui est devenu plus complet et qui prend en charge l’ensemble des doléances des entreprises. Le gouvernement est à l’écoute de l’entreprise, puisque, aujourd’hui, l’investissement matériel a été intégré mais, il faut être fier de notre expertise. Nous avons des experts qui sont très capables, et nous les avons vus par le passé et par le présent. Au niveau de l’Agence, nous avons fait un travail de short listing de plus de 200 bureaux d’études et d’expertises, et nous sommes tout à fait convaincus que ces gens-là peuvent faire du travaille entier. Nous n’avons pas la prétention de dire que la corporation est bien organisée ; ce n’est pas le cas. Nous souhaitons qu’elle le devienne, qu’elle fasse aussi un travail dans le cadre de la création d’emplois, du métier d’expertise. Les experts seniors peuvent recruter des experts juniors qui, à leur tour, auront de l’expérience. Il faut qu’il y ait de la continuité pour avoir plus d’experts, car, 200 ce n’est pas suffisant pour le programme même si le double ou le triple ne sont pas short listés, mais il faudrait pérenniser ce métier grâce aux nouveaux diplômés.
Les cabinets d’expertises étrangers présents en Algérie et soumis au droit algérien sont-ils éligibles pour le short liste ?
Oui, bien sûr. Je pense que l’expertise est ouverte à tous. C’était quand même une question qui nous a tarabusté mais je pense que ce sont des gens qui sont installés en Algérie, qui ont pris le risque d’investir en Algérie ; donc, l’offre de services est générale d’autant plus qu’ils sont inscrits légalement, qu’ils ont des documents administratifs légaux qui leur permettent d’exercer au niveau du territoire algérien, alors, pourquoi pas ? Il faut savoir aussi, que, dans certains domaines, nous manquons d’expertise précise, et, donc là, effectivement, nous aurons sûrement besoin de recourir à l’expertise étrangère mais de façon exceptionnelle. Je préfère de loin travailler avec l’expertise nationale qui sera au service de l’entreprise algérienne.